La série « Survivors in suspension » fait à la fois écho aux rescapés du Rwanda, mais aussi aux migrants qui traversent déserts et mer. Les tableaux évoquent le « entre-deux » de l'existence de ceux qui ont survécu à des expériences traumatisantes, inhumaines. Il y a toujours un avant et un après ; leur vie ne sera jamais la même. Les rescapés de la Shoah ou du génocide des Tutsi du Rwanda disent que leur existence est comme suspendue. Marqués pour toujours par l'expérience qu'ils ont vécue les (sur)vivants ne rentreront plus jamais dans ce que les autres appellent « la vie ».
En travaillant sur la création de lieux de mémoires au Rwanda et en particulier avec des associations de rescapés, j'ai entendu souvent ce type de témoignage sur la vie après la rupture. Comme dans l'ensemble de mon travail, je cherche ici à trouver une forme graphique et esthétique pour invoquer un état psychologique complexe. Dans mon travail sur la mémoire, j'ai étudié les œuvres de Primo Levi, Robert Antelme et les témoignages recueillis des récits de Jean Hatzfeld. Chacun de ces auteurs a cherché à mettre des mots sur l'indicible, tout comme je cherche à mettre une image qui incite réflexion sur l'immontrable.
J'ai choisi d'utiliser la peinture acrylique comme si elle était aquarelle afin de garder une légèreté de touche, un flottement de la figure aussi bien que du collage. Tout est en suspension.