Fantômes de la Mer est un projet artistique qui rend hommage aux réfugiés économiques et politiques victimes du trafic humain transméditerranéen. Voir les images in situ.
Depuis des décennies, des gens disparaissent en Méditerranée, à la recherche d’une sécurité économique ou d’une sécurité politique – deux droits humains fondamentaux. Leur sort est en grande partie ignoré, comme si, en évitant de les regarder de trop près, leur réalité pouvait s’effacer. Lorsqu’on parle d’eux en Europe, le débat s’engage en termes économiques et statistiques : combien peut-on absorber ? Quel impact auront-ils en termes économiques, statistiques, et souvent « civilisationnels ». La question est rarement débattue en termes humains : quel sacrifice, quelle perte, quelle souffrance ont-ils vécu – et vivent-ils encore ? A quel racisme, quelle déshumanisation ont-ils fait – font-ils – face ? La question est encore moins débattue en termes de rapport de force Nord/Sud.
Cependant, au fond de nous, nous savons que le problème de la migration ne disparaîtra pas – qu’on le veuille ou non. Nous sommes obligés d’y prêter une attention à certaines occasions, comme récemment avec l’afflux de réfugiés syriens. Pour autant, nous ne reconnaissons que rarement la migration transméditerranéenne comme un phénomène durable, qui fait partie de notre monde contemporain.
En voulant traverser la Méditerranée, beaucoup de gens ont été, sont, seront exploités, violés, volés, déshumanisés. Beaucoup s’y sont noyés, beaucoup s’y noient en ce moment, beaucoup s’y noieront encore. Leur seul délit est de chercher une vie libre de persécutions politiques ou économiques qui leur est déniée chez eux, mais aussi en Occident. Quand nous daignons nous pencher sur le phénomène, ce que nous voyons, c’est un massacre sans témoins, sans plaintes et souvent sans sépulture, car de nombreuses victimes meurent en mer dans le plus total anonymat.
Le Projet artistique
Nous voulons donner une présence visuelle aux victimes, gens ordinaires, en les peignant derrière un rideau d’eau métaphorique. Ce rideau d’eau fragile, beau et extrêmement dangereux est peut-être un linceul sauveteur, peut-être leur dernière sépulture. Nous souhaitons ainsi rendre hommage aux milliers d’anonymes qui risquent tout afin de tenter d’avoir une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles. L’exposition se composera de ces représentations symboliques de migrants devenus des « fantômes de la mer ». Les images n’inciteront pas de la pitié ; elles ne seront ni moralisantes ni donneuses de leçon. Pas de mise en garde, tout simplement la figuration de personnes perdues en mer pour les rendre présentes à nous, dans un monde qui les a confinés à une existence en marge et a partout nié leur présence. Les visuels souligneront la dignité humaine. Les personnes peintes seront des gens ordinaires dont les corps apparaîtront disloqués sous la diffraction esthétique et mortelle de l’eau figurant la Méditerranée.
Les expositions
Notre intention est de présenter ces images dans les villes d’où sont issus les migrants, Dakar, Nouakchott, Tanger… en Afrique de l’Ouest et du Nord. Elles seront aussi exposées dans les villes d’arrivée en Europe du Sud, Malte, Sicile, Lampedusa, Lesbos... villes étapes pour ces voyageurs des marges. Les œuvres seront présentées aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de lieux d’exposition classiques, afin d’encourager le dialogue entre les personnes et entre les villes. Lorsqu’elle apparaîtra à l’extérieur, l’exposition consistera en impressions numériques de très grand format.
Nous utiliserons les visuels pour amorcer un débat sur la question des « invisibles », des fantômes de la vie moderne dont la présence est déniée en Occident. Nous voulons que le public des expositions devienne témoin et puisse dire : « Oui, maintenant, je sais que les fantômes existent. »